Partenaires

CNRS



Rechercher

Sur ce site

Sur le Web du CNRS


Accueil du site >

Inhomogénéités à différentes échelles méso-micro dans les matériaux

 

La compétition entre différents paramètres d’ordre / interactions conduit presque systématiquement à des inhomogénéités, séparations de phases, structurations multi-échelle rendant l’étude des propriétés, qu’elles soient électroniques ou magnétiques extrêmement délicate. A travers les recherches récentes, il apparaît de plus en plus clairement que cette complexité est indissociable des propriétés étudiées et que les tentatives d’interprétation des résultats expérimentaux à partir de modèles trop simples ou à partir de comparaisons à des composés modèles ne permettent pas d’accéder à la compréhension profonde des phénomènes observés, voire conduisent souvent à des interprétations contradictoires selon les techniques utilisées.

Un des sujets des plus actifs aujourd’hui dans le domaine des matériaux à corrélations fortes concerne les inhomogénéités induites ou favorisées par les corrélations à l’échelle du nanomètre. Ces inhomogénéités sont par exemple responsables d’une séparation dans l’espace des charges et des spins, qui conduisent à l’existence de bandes ("stripes" dans notre langage) qui offrent une élégante façon de minimiser l’énergie du système. Observées dans les nickelates et certains cuprates 1.8, débattues dans les autres systèmes, elles sont recherchées activement par les expérimentateurs et les théoriciens. Les techniques utilisées pour les observer sont des techniques dites de l’espace réciproque comme la diffraction de neutrons ou de rayons X, ou dites de l’espace réel comme la microscopie à champ proche. Ce genre de séparation est aussi prédite pour la séparation spins-paires de Cooper dans les supraconducteurs magnétiques (phases FFLO 1.9) et demande une confirmation expérimentale même si des signatures indirectes ont pu être récemment observées en RMN 1.10.

Au delà des corrélations, l’importance des inhomogénéités chimiques et/ou structurales a été récemment mise en évidence dans les oxydes de cobalt à couches (étudiés de longue date à Bordeaux pour leur propriétés de bateries 1.11, ils ont été redécouverts récement pour leurs propriétés électroniques, supraconductivité, pouvoir thermoélectrique, etc...). Les inhomogénéités structurales à l’échelle atomique dues aux couches d’intercalation situées entre les plans engendrent des ordres de charge/spin dans ces derniers. Lorsque les deux sous-systèmes sont incommensurables des fluctuations de positions dans les plans sont alors responsables de forts couplages entre les différentes bandes . C’est spécifiquement dans ces composés non périodiques comme le  1.12 ou les phases (1.13 qu’ont été observées les propriétés de fort pouvoir thermoélectrique dont le lien avec les inhomogénéités structurales n’est pas compris à l’heure actuelle. L’étude théorique de ce type de distorsions est difficile, mais le succès des travaux récents sur des oxydes de cuivre incommensurables 1.14 laissent penser que les études locales par techniques ab initio de la chimie théorique pourront amener des informations utiles à la compréhension de ces phénomènes. Un autre type d’inhomogénéités, cette fois à l’échelle mésoscopique, a été vu dans ces mêmes composés avec la coexistence de différentes phases chimiques 1.15 correspondant des mélanges de quelques compositions en sodium bien définies.

Dans les nombreux cas où on ne les observe pas dans les techniques de diffraction, il est possible que la séparation de phases existe, mais que, à cause d’un désordre structural, la mise en ordre ne soit pas favorisée. C’est le cas des manganites à magnéto-résistance colossale où le désordre dû aux substitutions cationiques induit une séparation de phases à l’échelle du nanomètre (observée par exemple en microscopie électronique) sans ordre à grande distance. Ceci a été observé par diffusion inélastique de neutrons dans le spectre des excitations 1.16 et par diffusion aux petits angles où le contraste magnétique permet son observation 1.17. Dans le cas des cuprates supraconducteurs, des inhomogénéités de gap ont été observées à l’échelle du nanomètre dans les films de Bi-2212 dont le rôle est encore mal compris 1.18. Du point de vue théorique, l’incorporation de désordre dans les modèles fortement corrélés reste un défi majeur. Certains auteurs pensent que ces phénomènes peuvent être à l’origine de la supraconductivité des cuprates, mais ceci reste encore très spéculatif.

Lors de transitions de phase quantique, les expériences montrent aussi souvent des régions de coexistence entre différentes phases : par exemple un ordre magnétique et la supraconductivité ou entre ordre magnétique et phase paramagnétique. La caractérisation de ces phases intrinsèquement inhomogènes (points critiques quantiques du premier ordre) en relation avec les propriétés physiques est un autre défi majeur dans les systèmes à électrons fortement corrélés.

Par ailleurs, un autre phénomène peut également apparaître à une échelle plus grande (quelques microns), c’est la séparation de phases électroniques, qui est probablement à l’origine de la magnéto-résistance colossale des manganites. Là encore, les corrélations fortes sont à l’origine de ce phénomène qui n’apparaît pas dans les systèmes moins corrélés où les ondes de densité de charges ou de spins dominent. Ces phénomènes passionnent les chercheurs de notre communauté et les observations récentes directes de ces inhomogénéités (diffusion aux petits angles, microscopie à transmission ou à champ proche) ont changé complètement notre approche du problème. Dans ce cas, ce sont les énergie d’interface qui sont à l’uvre car les différences d’énergie des différentes phases sont très faibles. La modélisation de cet aspect des séparations de phases électroniques n’a pas encore vraiment débuté.