Introduction
Le GDR Matériaux et Interactions en Compétition a des objectifs de recherche fondamentale : découverte de nouveaux composés à fortes corrélations électroniques, étude de ces composés ainsi que de systèmes déjà connus, dégager de nouveaux concepts permettant de comprendre et maîtriser ces matériaux aux propriétés fascinantes.
Alors que la recherche en micro-électronique se tourne de plus en plus vers la recherche de systèmes présentant des propriétés couplées, les matériaux à fortes corrélations électroniques font figure d’archétypes en ce qui concerne les interactions couplées ou en compétition. C’est dans ces systèmes que se font la plupart des découvertes de nouveaux états de la matière, la découverte de nouveaux composés, qui nécessite une collaboration très étroite entre chimistes du solide, physiciens et théoriciens, est donc primordiale car elle reste le socle le plus fructueux de découvertes de nouvelles propriétés physiques. L’origine de la richesse des propriétés des systèmes à fortes corrélations vient de la préservation, dans ces systèmes, de nombreux degrés de liberté. Ces degrés de liberté (spin, charge, réseau, orbital), oblitérés dans les matériaux plus conventionnels — comme les métaux classiques, les semi-conducteurs à base de silicium, etc. . . — par les effets de délocalisation électronique peuvent s’exprimer du fait même que les effets de corrélation dominent les effets de délocalisation. Il en résulte
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une multitude de propriétés nouvelles et fascinantes comme la supraconductivité à haute température critique
1, les points critiques quantiques
2, les liquides de spins
3 etc. . .
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des diagrammes de phases très riches associant un grand nombre d’états fondamentaux pour une même famille de composés ; citons parmi d’autres les matériaux moléculaires
4, les fermions lourds
5 ou plus récemment les pnictures
6, où des états métalliques ou supraconducteurs jouxtent, voire coexistent avec des phases magnétiques ordonnées (coexistence de phases avec ségrégation au niveaumésoscopique
7 ou même coexistence au niveau microscopique
8).
Cette proximité entre phases dominées par différents degrés de liberté, voire par une combinaison de plusieurs, rend possible le passage entre différents états fondamentaux en jouant sur un paramètre de contrôle extérieur, tel que le dopage ou l’application d’une pression, d’un champ électrique ou magnétique, etc... Il est ainsi possible de contrôler par une perturbation l’état fondamental du système, c’est-à-dire la phase et les transitions de phases. C’est par exemple le cas dans les manganites à magnéto-résistance colossale ou le passage au travers de la transition métal-isolant peut être induit par l’application d’un champ magnétique ou dans les matériaux moléculaires pour lesquels il est possible de passer d’une phase isolante, avec un ordre de spin, à une phase supraconductrice et à une phase métallique non magnétique par l’application d’une pression. Il est de plus possible, lorsque différents degrés de liberté sont couplés, d’agir sur une propriété liée à l’un d’entre eux par l’application d’une perturbation sur l’autre. C’est bien sûr un des objectifs en aval de toutes les recherches sur les matériaux multiferroïques, mais nous pouvons aussi citer l’exemple des composés photo-chromes pour lesquels une sollicitation optique permet de modifier la conductivité ou la structure magnétique.
Les applications potentielles liées aux propriétés de ces matériaux sont immenses. Sans évoquer les plus évidentes comme celles liées à la supraconductivité à haute température critique, au pouvoir thermoélectrique, nous voyons que la manière usuelle d’obtenir des fonctions dans les composants électroniques consiste à combiner des matériaux ayant des propriétés différentes. Avec la miniaturisation et l’objectif ultime de l’électronique à l’échelle atomique ou moléculaire, l’intérêt de matériaux présentant le couplage désiré de manière intrinsèque est immense et c’est précisément dans les matériaux fortement corrélés que ce type d’applications peuvent être envisagées. Cependant de tels objectifs applicatifs ne pourront être atteints sans une compréhension des propriétés, de leur couplage ou de leur compétition. Ainsi, les apports tant des développements théoriques que des nouvelles méthodes expérimentales (notamment celles sur grands instruments) sont déterminants. De même, un flux régulier de nouveaux composés à fort potentiel est crucial, tant pour la découverte de nouvelles propriétés que pour la compréhension de celles déjà connues par l’apport de nouveaux points de vue permettant de mieux séparer le générique du particulier. C’est pourquoi il est indispensable de développer une recherche prospective de nouveaux composés, nouveaux composés étudiés en collaboration avec physiciens et théoriciens pour en identifier rapidement les potentialités et apports en terme de compréhension ou de nouvelles propriétés.
Enfin, les enjeux théoriques sont de taille : symétries non conventionnelles du paramètre d’ordre dans tous les supraconducteurs découverts depuis 25 ans, compréhension de l’origine de la supraconductivité, phase pseudogap, transition de Mott, liquides de spin type "RVB" ou algébriques, développement de la DMFT, etc. . .