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Introduction

 
 
Depuis les années soixante dix, les percées les plus marquantes dans le domaine de la matière condensée ont été faites dans les matériaux présentant de fortes corrélations électroniques. En effet, ce sont ces systèmes qui ont été le siège de la découverte de nombreuses propriétés particulièrement fascinantes tant du point de vue fondamental que de celui des applications potentielles. Pour n’en citer que quelques unes parmi les plus remarquables : la supraconductivité à haute température critique découverte en 1986 par Bednorz et Müller 1.1 au dessous de 30K dans les oxydes de cuivre synthétisés pour la première fois à Caen 1.2 , puis rapidement dans des composés similaires ( ) au dessus de la température de l’azote liquide 1.3, la magnéto-résistance colossale ou chute de résistance de plus de quatorze ordres de grandeur observée sous application d’un champ magnétique dans les oxydes de manganèse en 1995 1.4.

Ces propriétés sont intrinsèquement liées au caractère fortement corrélé de la structure électronique des matériaux. En effet, dans les matériaux plus conventionnels comme les semi-conducteurs à base de silicium, les effets de délocalisation dominent la structure électronique et les électrons peuvent être considérés, dans une première approximation, comme indépendants. Dans les matériaux à fortes corrélations électroniques, les effets de délocalisation ne sont plus dominants et les mouvements des électrons sont fortement corrélés. Il en résulte que les interactions et degrés de liberté oblitérés par les effets de délocalisation dans les autres systèmes (spin, charge, réseau, orbital) deviennent ici pertinents et que de leur interaction, voire de leur compétition, résulte un grand nombre d’états fondamentaux et les propriétés fascinantes observées. Les composés fermions lourds comme la famille des  1.5 (R=Ir, Co, Rh), ou les conducteurs moléculaires constituent des exemples frappants de systèmes dans lesquels des états métalliques ou supraconducteurs jouxtent des phases magnétiques ordonnées 1.6.

Cette proximité entre phases dominées par différents degrés de liberté, voire par une combinaison de plusieurs, rend possible l’accession à différents états fondamentaux en jouant sur un paramètre de contrôle extérieur, tel que le dopage ou l’application d’une pression, d’un champ électrique ou magnétique, etc... Il est ainsi possible de contrôler par une perturbation l’état fondamental du système, c’est-à-dire la phase et les transitions de phases. C’est par exemple le cas dans les manganites à magnéto-résistance colossale ou le passage au travers de la transition métal-isolant peut être induit par l’application d’un champ magnétique ou dans les matériaux moléculaires pour lesquels il est possible de passer d’une phase isolante, avec un ordre de spin, à une phase supraconductrice et à une phase métallique non magnétique par l’application d’une pression. Il est de plus possible, lorsque différents degrés de liberté sont couplés, d’agir sur une propriété liée à l’un d’entre eux par l’application d’une perturbation sur l’autre. Nous pouvons ainsi citer l’exemple des composés photochromes pour lesquels une sollicitation optique permet de modifier la conductivité ou la structure magnétique, les composés magnéto-électriques pour lesquels il est possible de modifier les propriétés électriques (polarisation, constante diélectrique) par l’application d’un champ magnétique, ou de modifier l’aimantation par l’application d’un champ électrique. Il a été ainsi récemment montré que la polarisation électrique du composé pouvait être inversée par un champ magnétique de 0.1 Tesla 1.7

 

Les applications potentielles liées aux propriétés de ces matériaux sont immenses. Sans évoquer les plus évidentes comme celles liées à la supraconductivité à haute température critique, au pouvoir thermoélectrique, nous voyons que la manière usuelle d’obtenir des fonctions dans les composants électroniques consiste à combiner des matériaux ayant des propriétés différentes. Avec la miniaturisation et l’objectif ultime de l’électronique à l’échelle atomique ou moléculaire, l’intérêt de matériaux présentant le couplage désiré des propriétés de manière intrinsèque, sans la nécessité des technologies dites top-down, est immense. Nous voyons immédiatement que c’est précisément dans les matériaux fortement corrélés que ce type d’applications peuvent être envisagées. En effet, l’existence dans ces systèmes de plusieurs états fondamentaux facilement accessibles permet, outre le couplage des différentes propriétés déjà discuté ou le contrôle des transitions de phases, d’avoir dans un même matériau des domaines correspondants à des phases différentes. Ainsi, par une organisation judicieuse des domaines la possibilité de composants intégrés à l’échelle atomique est envisageable.

Ce type d’objectif applicatif ne serait cependant être atteint sans un socle fondamental de qualité, tant en ce qui concerne la recherche de nouveaux matériaux, qu’en ce qui concerne leur caractérisation et l’étude de leurs propriétés, et en ce qui concerne la modélisation et la compréhension théorique des propriétés observées, de leur origine microscopique et de leur relation avec la composition chimique et la structure des matériaux.

Ainsi, il parait par exemple difficile de concevoir des matériaux couplant efficacement un ordre magnétique et ferroélectrique sans comprendre la nature microscopique des interactions entre ces deux paramètres d’ordre. Au delà de la théorie de Landau et des considérations de symétrie, est-ce le couplage spin-orbite qui est responsable de l’action d’un champ magnétique sur la polarisation électrique ou la constante diélectrique, ou est-ce un effet uniquement dû aux déplacements atomiques ? Faut-il que le magnétisme et la ferroélectricité soient portés par les mêmes atomes ou est-il plus efficace de découpler spatialement ces deux effets ? Dans un tel cas quel rôle joue la polarisation de spin sur les parties non magnétiques, et qu’elle forme doivent avoir les domaines, couches minces, nano-agrégats...? Qu’elle doit être leur taille caractéristique et leur imbrication pour favoriser le couplage ? etc...Pour répondre à toutes ces questions il est nécessaire d’avoir des échantillons de qualité, élaborés avec la mise en forme souhaitée, et bien caractérisés, tant en ce qui concerne la composition que la structure. Il faut ensuite étudier les propriétés de ces systèmes, connaître leur état magnétique que ce soit par des mesures macroscopiques d’aimantation, de susceptibilité, par RMN ou diffraction de neutrons et leur état électrique, polarisation, constante diélectrique, tout ceci en fonction de la température, de champs magnétiques ou électriques appliqués, de la pression, etc. Ces mesures en elles-même peuvent constituer un défi comme les mesures de polarisation sur des couches minces ou les mesures de diffraction de neutrons sous fort champ ou sous pression. Il faut ensuite tenter de comprendre comment se fait le lien entre la composition et la structure du matériau et les propriétés observées et c’est là qu’interviennent les théoriciens, que ce soit par le calcul ab initio ou par l’étude de modèles types, ils travaillent à déterminer les degrés de liberté pertinents, voire à quantifier leurs interactions, et à comprendre comment les effets macroscopiques observés expérimentalement sont reliés aux degrés de liberté microscopiques précédemment identifiés.

C’est à cet objectif fondamental que le présent GDR MICO se propose de contribuer en regroupant les communautés de chimistes élaborant les matériaux, celles de physiciens expérimentateurs étudiant leurs propriétés et celle des théoriciens travaillant dans le domaine des corrélations fortes.

 

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